Le 31 août dernier, la station de radio France Culture s’est dotée de nouveaux indicatifs.
Pour lenodal, découverte de ce nouvel habillage sonore avec Chloé Thévenin (aka Chloé), compositrice et productrice de musique électronique.
À l’antenne depuis 2014, et renouvelée au fil des années, la précédente identité sonore de France Culture était composée par Jérémie Blanc et Gilles Paulet. Son concept résidait autour d’un sonal divisé en deux temps, une ouverture puis une fermeture, comme une question suivie d’une réponse.
La genèse du projet
Au printemps dernier, la station a souhaité renouveler cette identité sonore et sollicite alors plusieurs compositeurs. France Culture souhaitait moderniser son approche en ajoutant notamment de nouvelles textures de son, afin d’obtenir une identité plus singulière, mais aussi conquérir un public plus jeune aux usages 100% numériques.
La chaîne invoque aussi dans ses références le GRM, le Groupe de Recherche Musicale et quelques-uns de ses grands noms (Pierre Schaeffer et Bernard Parmegiani) avec pour ligne de mire la volonté d’aller vers des sons plus électroniques. Le GRM a composé dans les années 60 à 80 des indicatifs pour France Inter, France Culture ou à la télévision pour le premier journal de la 3è chaîne Couleur, Inter 3, ou pour le premier générique de Stade 2. On lui doit aussi le célèbre indicatif de France Culture en 1982, et Jean-Michel Jarre, compositeur de l’habillage actuel de Franceinfo y a fait ses armes.
Chloé
C’est dans ce contexte que Chloé Thévenin a participé à cette consultation. Plus connue sous le nom d’artiste Chloé et pionnière dans la création électronique, elle a notamment sorti 3 albums dont "One in Other" en 2010, pour lequel elle a été nommée aux Victoires de la Musique. En 2017, Chloé monte son propre label, Lumière Noire Records, en écho aux soirées Lumière Noire dans les années 2000 au Rex Club où elle est DJ résidente. Elle sort la même année son dernier album, "Endless Revisions".
Elle compose en parallèle différentes BO pour le cinéma, comme "Paris la blanche" de Lidia Terki (2017) ou "Je ne suis pas un salaud" d'Emmanuel Finkiel (2014).
Chloé Thévenin soumet une proposition en avril, très bien accueillie par les équipes de France Culture : « J’ai été vers ce qui me parlait, vers ce que j’imaginais de France Culture. J’ai eu de la chance de faire une proposition pour cette radio en particulier... Il y a eu une convergence car ils souhaitaient évoluer vers des sonorités plus modernes et accessibles tout en restant exigeantes. Ils ont été assez curieux pour proposer quelque chose de différent. Il y a un équilibre de curiosité, d’audace, de dynamisme mais surtout de singularité. »
La création d'une ambiance sonore
Dans ses productions et DJ sets, Chloé excelle dans l'installation d'ambiances sonores sur un temps relativement long, passant du rythme à la transe. Or en radio, les éléments sonores ont des durées très variables :
« Une identité sonore de radio, c’est travailler en effet sur des formats courts alors que je travaille plutôt sur la longueur habituellement : j’aime bien quand les choses se mettent en place. Mais l’exercice de sortir de sa zone de confort était très intéressant, je l’ai pris comme un jeu ! » explique Chloé Thévenin.
Commence alors un travail qui durera jusqu’à fin-juillet pour produire 112 éléments. L’identité de France Culture se décline ainsi tout au long de la journée, principalement autour du grand carrefour d’information du matin : Les Matins de Guillaume Erner. Des éléments d'une durée variant de quelques secondes à plus d’une minute, pour l’antenne et pour le web, doivent s’adapter aux différentes tranches horaires.
« J’ai d'abord pris beaucoup de temps à travailler sur le rythme des formats très courts : l’idée, c’est qu’il se passe toujours quelque chose. » explique Chloé Thévenin.
A défaut de pouvoir ajuster la durée des éléments, imposée par les contraintes de la radio, Chloé a particulièrement travaillé sur la superposition des pistes sonores.
« Je me suis retrouvé avec un nombre de pistes incalculable... J'ai ensuite ajusté l'orchestration et le télescopage des éléments de façon méticuleuse. J’ai beaucoup travaillé aussi sur le grain, les timbres, à la fois acoustiques et électroniques, à les faire s’entremêler. J’ai appliqué ma méthode, comme un réalisateur travaille son premier plan, son second plan, son troisième plan… »
Chloé a naturellement intégré des codes de la musique électronique dans son travail pour France Culture : des basses et kicks prononcés, un rythme rapide et entrainant... mais aussi des mélodies permettant de reconnaitre immédiatement la station. « Sur le sonal, j’ai travaillé sur le déploiement de notes structurées, en commençant avec un moment élancé dans la structure, mémorisable mélodiquement ».
Des nuances ont également été prévues tout au long de la journée : « L’identité de la matinale est plus pêchue que les éléments diffusés le soir »
L’identité se développe par ailleurs sur des éléments plus longs, notamment les tapis : « Produire des éléments de 40 secondes est tout aussi intéressant : il y a moins de sons, ils sont plus mats, avec des “solos” qui se répondent, un peu comme dans le jazz. Il y a des appels ou des échos dans chaque moment. »
Ce projet a été produit en collaboration avec les équipes de Bruno Carpentier, chargé de la direction artistique et des identités sonores de Radio France. « Le mix s’est terminé fin juillet à la Maison de la Radio et de la Musique. J'étais accompagnée d'un ingénieur du son particulièrement sensible au son binaural/360 degrés, c'était très intéressant » précise Chloé.
La spatialisation du son, perceptible dans les morceaux de Chloé, est aussi un élément fort dans les éléments produits pour France Culture. Ils ont été pensés pour être écoutés sur les nouveaux supports d'écoute de la radio. « Quand je fais de la musique, j’écoute le morceau sur différents supports pour voir comment ça sonne. Quelque chose qui fonctionne bien sur une petite enceinte nulle en mono, on va bien l’entendre partout. J’ai donc rééquilibré des enregistrements et des choix de sons selon les écoutes que j’ai faites. »
Nous vous conseillons d'écouter les extraits ci-dessus au casque pour un meilleur confort d'écoute et pour profiter pleinement de l'ensemble des éléments